Effervescence cyclable

Le 17 février 2016, l’association Paris en selle a organisé une soirée « Paris durable, Paris Cyclable » autour du livre de Julien Demade, Les embarras de Paris, l’illusion techniciste de la politique parisienne des déplacements.

Après les ouvrages d’Olivier Razemon et de Frédéric Héran, ce livre est un nouveau jalon du nécessaire retour du vélo comme mode de déplacement urbain. Basé sur un sérieux travail d’exploitation des statistiques sur plusieurs décennies, il envisage le problème des déplacements de manière globale, démonte des mythes persistants et se risque même à des pronostics à partir de projections statistiques. C’est le livre, solide et argumenté, dont nous avions besoin pour défendre une autre politique des déplacements à Paris.

Les embarras, la solution

L’exposé de Julien Demade s’ouvre sur une constatation : il y a 20 ans roulaient 55% de plus de voitures qu’actuellement, c’est ce qu’il appelle « l’évanescence de l’automobile ». Une véritable aubaine, mais aussi une contrainte car dans le même temps la fréquentation des transports en commun a augmenté de 50%, mettant le réseau au bord de l’asphyxie.

Comment résoudre ce problème et tirer parti de cette aubaine ? En 20 ans la part modale du vélo à Paris a été multipliée par 10, il « suffirait » de la multiplier encore par 10 pour résoudre la crise mobilitaire et sanitaire : désengorgement des transports en commun, apaisement des rues, amélioration de la qualité de l’air et lutte contre la sédentarité.

C’est possible ! Car à Paris, l’usage de la voiture baisse de manière linéaire depuis 1990 tandis que celui du vélo augmente de manière exponentielle. Si cette tendance se prolonge, selon Julien Demade on peut prévoir qu’en 2022, la part modale du vélo dépasserait celle de la voiture ! Une perspective enthousiasmante.

Paris, encore un effort pour devenir cyclable !

Alain Boulanger, responsable mobilités durables de la Ville de Paris, a la lourde tâche de représenter et de défendre la politique parisienne des déplacements face à la critique de Julien Demade et à un parterre de « cyclistes conscients » qu’on imagine sans peine un peu frustrés par cette même politique.

Il commence par reconnaître que la politique de « fluidifier le trafic » (motorisé) menée sous Chirac n’a eu pour effet que d’augmenter ce trafic (un phénomène de trafic induit, bien connu et étudié outre-atlantique qui met du temps à faire son chemin dans les cerveaux français). L’enseignement logique qu’on peut en tirer c’est qu’il faut réduire l’emprise motorisée sur l’espace public, hélas il n’est pas question de ça dans le plan vélo dont la présentation va suivre.

Alain Boulanger présente ensuite un sondage qui montre que le principal frein à l’usage du vélo est le danger représenté par la circulation motorisée. Là aussi la conclusion logique ne sera pas prise en compte.

Pour ceux qui le connaissait déjà, la présentation du plan vélo qui s’en suit n’est pas une surprise. Mais dans ce contexte et après la présentation de Julien Demade, le contraste entre le potentialités cyclables de Paris et les lacunes de ce plan vélo est d’autant plus frappant (sans parler du contraste encore plus frappant avec l’ambition proclamée de faire de Paris la « capitale du vélo » en 2020, ce qui suscite une moquerie méritée à l’étranger).

Quelques bonnes nouvelles cependant :

  • un projet de Vélostations (stationnement vélo de masse comme on en trouve en Suisse, Pays-Bas, Danemark…)  à la gare de Lyon et à la gare Montparnasse, en remplacement des voies souterraines Van Gogh et Maine ;
  • toute la voirie parisienne à double-sens cyclable pour la fin de la mandature ;
  • un projet de campagne de sensibilisation au respect des mobilités actives ;
  • le lancement d’une concertation pour un plan piéton à Paris.

Avoir le point de vue d’un technicien en charge des aménagements vélo est rare et intéressant, mais le débat qui suit avec la salle révèle la limite de l’exercice : certaines questions et attentes réclament une réponse, non seulement technique, mais politique. Espérons qu’un prochain évènement permettra de débattre également avec Christophe Najdovski.

Note personnelle pour conclure

A l’issue du débat, j’ai eu le plaisir d’échanger avec Simon Fessard, du blog Roue libre, et Olivier Razemon. J’ai rencontré aussi des gens passionnés qui font du vélotaxi, vendent des vélos électriques, ou travaillent dans une association, comme Adrien de Carton Plein qui propose le carton de déménagement solidaire et écologique à vélo. J’avais repéré en entrant son vélo cargo XYZ, peu onéreux, open-source et modulable, sur lequel j’avais beaucoup lorgné sur internet. Je ne pouvais pas manquer l’occasion de le voir en vrai et d’en apprendre plus sur sa construction. Son récit de cette expérience de construction est lisible ici.

Des livres solides sur le vélo, une émulation intellectuelle, des débats de grande qualité, des échanges enthousiastes, des initiatives en tous sens…  tout cela donne l’impression d’une véritable effervescence autour du vélo !


Retrouvez également le compte-rendu du blog d’Isabelle Lesens qui animé le débat, celui de la Maison des acteurs du Paris durable qui accueillait l’évènement et celui de Paris en selle.

Modifié le 28 février à 21h58

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Un commentaire pour Effervescence cyclable

  1. Berthet David dit :

    Le constat est encore une fois bien démontré, j’imagine que techniquement le responsable des mobilités durables de la ville partageait les constats et les solutions à apporter.
    Une fois de plus, la volonté reste purement politique, loin d’être le point fort de nos élus en général.
    Et merci de la découverte du vélo cargo !

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